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Le dessin de presse est le lieu d’expression de la caricature puisqu’il doit rendre compte d’un événement en quelques mots et en quelques traits.
Il n’est dès lors guère étonnant que l’exercice rejoigne l’étymologie du mot puisqu’en italien « caricare » signifie « charger ». Et si la cavalerie peut être légère, la charge l’est, par définition, moins.
La caricature est donc un combat et comme toute charge, elle emporte des victimes, ce qui pose immédiatement en Droit la question de la réparation, selon le principe classique du Droit civil. C’est ici que l’inquiétude nait et la question n’est pas nouvelle.
Dans sa thèse de Doctorat intitulée « la figure humaine et le Droit », soutenue en 1913, Henri Fougerol, avocat au Barreau de Paris, indiquait déjà : « la loi est une personne austère, qui ne connait pas les privilèges du rire »[1].
Le Droit instaure la fameuse balance de l’article 11 de la déclaration des droits de l’Homme et du citoyen. Il s’agit alors de savoir si l’on opte pour le régime de la responsabilité objective sans s’interroger sur la notion de faute[2] ou si l’on ne sanctionne que cette dernière, soit par le régime général de l’article 1382 du Code civil, soit par application des lois spéciales en matière de presse[3]. Le dessinateur de presse doit donc se méfier de la loi, même quand elle lui veut du bien.
Rappelons à cette occasion l’article 122 de la Constitution du 24 juin 1793 qui proclamait « la liberté indéfinie de la presse » ainsi que la sûreté et « la jouissance de tous les Droits de l’homme »… Ceci nous renvoie au propos de Prevost Paradol : « pour savoir si la presse est libre chez tel ou peuple, nous ne songeons jamais à nous enquérir de la loi qu’on lui applique, mais nous demandons, tout de suite et d’instinct : qui la juge ? »[4]. Et l’on constatera sur ce point que le peuple, au nom de qui l’on rend la justice, a paradoxalement été écarté du procès de presse.
Nous entrons alors dans la « judiciarisation de la gaudriole », pour reprendre l’expression de Paul Martens, Président émérite de la Cour constitutionnelle belge[5], relevant que « l’humour (est) cet ennemi des droits subjectifs ».
Or, contrairement à ce qu’on lit parfois, la loi de 1881 n’est jamais venue garantir la liberté du dessin de presse. Bien au contraire, après avoir affirmé en son article 1er le principe de liberté de la presse puis en son article 2 le principe de secret des sources, elle est une longue litanie de délits. Son seul mérite, progressivement atténué au fil des ans par les revendications des diverses associations parties civiles, est d’avoir mis bas aux lois liberticides dont les républicains avaient tant soufferts sous le second empire et la restauration.
Ces dernières années ont connu une déconstruction de la loi de 1881, avec une apothéose en 2014, digne des lois scélérates ayant réprimé l’anarchisme en 1893 et 1894.
I/ L’hostilité naturelle du Droit législatif aux dessins de presse :
La caricature consistant à faire rire aux dépens d’autrui par l’image, à attaquer la personne pour en critiquer les idées, elle va nécessairement heurter la majesté de la fonction ainsi que l’égo de l’individu, roi de l’exercice de ses droits de la personnalité.
Comment demander à un journal « bête et méchant » d’être respectueux ? C’est la raison pour laquelle le Droit va dans un premier temps se construire contre le dessin de presse, que l’on appelle en ses temps historiques, libelle.
A/ Le mépris vis-à-vis du dessin :
Historiquement, le dessin de presse a pu être considéré par les artistes et les journalistes, comme un art mineur[6]. Le débat n’est ni nouveau, ni français. Voici ce que relevait le procureur Schuermans dans son Code de la presse.
Le procureur général de Bruxelles tentait d’exclure du bénéfice de l’arrêté abrogeant les outrages contre la religion en considérant qu’il ne visait que les écrits imprimés : « on ne peut considérer les images comme un mode de discussion../..les images ne parlent qu’aux yeux../..on ne répand pas des opinions, des doctrines par les lithographies ». Ce à quoi l’avocat Orts répliquait justement : « pourquoi les images ne pourraient-elles être considérées comme aussi digne de liberté que les écrits ?../..L’image est l’expression d’une pensée. On agit sur les masses et l’on fait de la propagande tout aussi bien avec l’image qu’avec l’écrit »[7].
Même constat avec la loi française du 9 septembre 1835, voulue par Thiers, alors ministre de l’Intérieur.Son article 20 rétablit la censure abolie par la Charte, tout en y ajoutant un système répressif. Et l’article 12 de la loi autorisait les juges judiciaires à suspendre la parution de la publication condamnée. Pour justifier une telle mesure, on rappelait qu’une gravure diffère d’un imprimé « en ce que le premier s’adresse au sens et le deuxième à l’intelligence »[8]
Sur la base de ce texte, la censure exigeait l’autorisation de la personne caricaturée…[9]. On retrouve ici cette idée qui laisse à penser que le dessin, ce n’est pas sérieux et que sa liberté doit être restreinte dès lors que l’on traite de choses sérieuses.
Ainsi, contrairement au Droit de la propriété intellectuelle, le Droit de la presse ne vient pas régir expressément la caricature qui ne bénéficiera que d’une tradition de « tolérance jurisprudentielle », au regard des lois du genre[10] et selon une idée de mérite, ici encore étrangère au Droit de la propriété intellectuelle[11].
B/ La garantie de l’ordre public et de respect des droits d’autrui :
Le caricaturiste a dû combattre les principes d’ordre public pour affirmer sa liberté. Combat contre le régime du privilège qui soumettait l’écrit au régime de l’autorisation préalable.
En Droit public, le régime de la presse va osciller, selon les régimes, entre contrôle préalable et contrôle a posteriori.
L’avènement de la loi du 29 juillet 1881 ne va pas pour autant libérer les caricaturistes des poursuites judiciaires. En effet, les dispositions classiques du Droit de la presse permettent de fonder des poursuites sur au moins 5 fondements :
- Sur le fondement de l’injure ou de la diffamation réprimées par l’article 29 de la loi de 1881 ;
- Sur le fondement du droit sur l’image, même si le principe, non explicitement reconnu par le Code civil, pouvait poser question et fut contesté par une partie de la Doctrine, aux motifs classiques : pas de droit sans texte, pas d’intérêt, pas d’action ;
- Sur le fondement de l’outrage réprimé par la loi de 1881 ou par les articles 222 ou 471 du Code pénal en cas de dessin non public ;
- Sur le fondement de l’outrage aux bonnes mœurs ;
- Sur le fondement de l’offense, notamment aux Président de la république ou aux chefs d’Etat étranger (art. 26, 36 et 37 de la loi du 29 juillet 1881) : Si la IIIe République ne connût pas de poursuites engagées, il n’en fût pas de même sous de Gaulle : « certes, le droit de libre discussion appartient à tout citoyen en vertu des principes généraux du droit tels qu’ils sont reconnus par la constitution du 4 octobre 1958, et qu’il est conforme à celle-ci d’étendre l’exercice de cette liberté publique a la discussion des actes politiques du président de la république ; mais attendu que ce libre exercice s’arrête là ou commence l’offense au chef de l’Etat » [12]
On conviendra que la motivation est un peu courte et que nous ne sommes guère loin du Prince-Président !
II/ L’organisation des poursuites du dessin de presse :
Les fondements légaux des poursuites étant identifiés, reste à savoir qui va devoir les juger et selon quel mode. Sur ce point, le choix du juge a son importance, avec pour corollaire la question des critères présidant à sa désignation, ce qui renvoie à la question de sa légitimité. Puis, le juge étant désigné, viendra la question de son mode d’application de la loi et de l’organisation de la répression des délits de presse.
A/ Le choix du juge :
Sous le Directoire, les infractions de presse relèvent alors des jurys qui se livrent, selon le mot des frères Goncourt, « à une conspiration de justice » en acquittant les accusés soumis à de lourdes peines.
La loi du 11 juin 1868 vient quant à elle prévoir que les infractions de presse relèveront du tribunal correctionnel composé de magistrats de carrière et non de jurés. Le jury sera rétabli par un décret du 27 octobre 1870, puis restreint par la loi du 29 décembre 1875…
La IIIe République étant installée définitivement, la loi du 29 juillet 1881 prévoyait la compétence de la cour d’assises demeurait seule compétente jusqu’à la loi du 28 juillet 1894 [13]. Les écrits ne pouvaient être saisis et le provocateur ne pouvait être arrêté préventivement. Par ailleurs, l’article 63 de la loi de 1881 prévoyait que « l’aggravation des peines résultant de la récidive ne sera pas applicable aux infractions prévues par la présente loi ». Enfin, la provocation se prescrivait par 3 mois.
Les attentats anarchistes de 1893 vont venir restreindre cet espace de liberté voulu par le législateur de 1881.
l’article 1 de la loi de 1894 déférait aux tribunaux de police correctionnelle les infractions prévues par les articles 24 et 25 de la loi du 29 juillet 1881 « lorsque ces infractions ont pour but un acte de propagande anarchiste ».
Le dépérissement des principes de 1881 par évidement s’est poursuivi
- En 1944, avec la disparition du jury des procès de presse. Or, comme le disait le député Brisson, « comment s’appelle l’opinion en pareille matière ? Dans le prétoire, c’est le jury » [14] ;
- En 2004, avec le début de révision du principe général de prescription de 3 mois pour les délits de presse ;
- Avec l’extension du champ des provocations réprimées par l’article 24 de la loi de 1881.
- Enfin, la loi n° 2014-1353 du 13 novembre 2014 renforçant les dispositions relatives à la lutte contre le terrorisme est venue sortir l’incrimination de provocation au terrorisme de l’article 24 de la loi de 1881 pour la placer à l’article 421-2-5 du code pénal.
Placer l’infraction dans le Code pénal revient à exclure les prévenus des mesures protectrices de la loi de 1881, ce qui autorise la saisine du juge des comparution immédiate [15].
Au regard de cette évolution, il n’est pas certain que la tolérance prétorienne ci-après exposée demeure[16].
B/ L’actuelle tolérance prétorienne à raison des « lois du genre »:
« Les personnages publics s’offrent à la critique comme l’artiste qui expose son œuvre » proclame le Président Schuermans dans son code de la presse, publié en 1882 : « tout citoyen qui sort de la vie privée, doit bien se résigner à subir parfois les coups de fouet de la satire et du sarcasme » [17], raisonnement aujourd’hui repris par la Cour européenne des droits de l’Homme[18].
Même raisonnement un siècle plus tard, dans cet arrêt de la cour d’appel de Versailles : « la caricature constitue une tolérance traditionnelle admise à l’égard de ceux dont la profession ou l’activité permet de présumer de leur part une autorisation tacite »[19].
Même analyse de la Cour d’appel de Paris « s’agissant d’un hebdomadaire qualifié de journal satirique ayant pour objet avoué celui d’amuser ou de faire rire ses lecteurs, l’insolence et la raillerie dont il use pour y parvenir ne peuvent permettre l’application de l’article 1382 du code civil que lorsque le dépassement de la limite constitue un tel abus qu’il porte atteinte aux droits fondamentaux de la personne visée »[20]
En clair, la gloire doit avoir sa contrepartie et la caricature rappellera utilement à l’humilité. La tolérance étant prétorienne, la casuistique s’impose pour séparer le bon grain de l’ivraie et fixer les limites de la liberté d’expression du caricaturiste.
Dans la mise en œuvre des critères de bonne foi applicables à la caricature, c’est le critère de légitimité du but poursuivi qui prévaut.
Selon une solution classique au regard des critères de bonne foi (parmi lesquels l’absence d’animosité personnelle), « la satire politique cesse là où commence les attaques personnelles »[21].
Par ailleurs, l’humour cesse là où est constituée la provocation à la haine raciale[22].
En la matière, comme le rappelait déjà Loysel, « le fait fonde le Droit ». Ainsi, les caricatures de Mahomet ne seront pas considérées comme une injure raciale car elles « visent clairement une fraction et non l’ensemble de la communauté musulmane , (et) ne constituent pas l’injure, attaque personnelle et directe dirigée contre un groupe de personnes en raison de leur appartenance religieuse et ne dépassent pas la limite admissible de la liberté d’expression, dont les restrictions prévues par la loi sont d’interprétation stricte, garantie par le droit conventionnel et le droit interne »[23].
A l’opposé, l’injure est constituée si une communauté est visée dans son ensemble[24], ce qui constitue la fine ligne rouge de partage. Ligne rouge qui peut donner lieu à débat, notamment au regard des dernières décisions rendues par la chambre criminelle de la cour de cassation sur les questions de provocation au terrorisme ou à la discrimination[25].
Sur ce point, l’article 17 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l’Homme[26] peut être utile à faire le partage, dès lors que « l’intolérance à la dérision est un dommage collatéral de la ferveur »[27] .
En 1913, notre confrère Henri Fougerol concluait : « Une indulgence souriante est de mise à notre époque aux susceptibilités émoussées../..et jamais en aucun temps, le mot de Tacite n’a été plus vrai : l’injure que l’on néglige s’efface, celle que l’on relève est en partie justifiée »[28]. Ce que le Président Schuermans résumait ainsi : « il est bon quelquefois de fermer les yeux »[29].
Crémieux, avocat et ancien ministre de la justice de la IIe République ne disait pas autre chose. En 1849, devant la Cour de Saint Omer, il plaidait ainsi : « ../..je dois ajouter qu’on n’est pas homme public quand on n’est pas cuirassé contre la presse…/.. ne poursuivez que si la nécessité la plus impérieuse, la plus absolue en impose le devoir…il faut que notre fibre soit moins sensible que celle de l’Homme privé. Quand on a l’honneur d’être, dans une situation donnée, à la tête de la puissance publique, il faut se passer la main sur le visage et se dire : je ne suis pas blessé »[30].
C’est cette tradition de tolérance qu’il nous incombe de transmettre.
Frédéric GRAS
Avocat au Barreau de Paris
Cet article fut l’objet de la conférence de l’auteur lors du colloque “Rire, droit et société” organisé par l’Institut du Droit de l’Espace, des Territoires, de la Culture et de la Communication à Université Toulouse I Capitole les 3 et 4 décembre 2015. Dont les actes publiés sont disponibles ici :
Bibliographie :
Ouvrages juridiques
Auvret (Patrick), les journalistes statut-responsabilité, Delmas, 1994, 304 p. ;
Beigner (Bernard), L’honneur et le Droit, Bibliothèque de Droit privé, LGDJ, 1995, 660 p.
Bigot (Christophe), pratique du Droit de la presse, Victoire ed. 2013, 359 p.
Colliard (Claude Albert), Libertés publiques, 7ed. ed. Dalloz, 1989, 906 p. ;
Dreyer (Emmanuel), Responsabilité civile et pénale des médias, Litec, 2e ed., 2008, 555 p. ;
Fougerol (Henri), La figure humaine et le Droit, Paris, Rousseau, 1913, 237 p. ;
Mouffe Bernard, le droit à l’humour, ed. Larcier, 2011, 590 p.
Ravanas (Jean), La protection des personnes contre la réalisation de leur image, LGDJ, 1978, 612 p.
Schuermans H., code de la presse ou commentaire du décret du 20 juillet 1831, 2e ed., Bruxelles, 1882, 2 Tomes, 568 et 607 p.
Université Libre de Bruxelles, Les propos qui heurtent, choquent ou inquiètent, Bruylant, Bruxelles, 2008, 313 p.
Ouvrages généraux
Delavaux (Céline), Vignes (Marie Hélène), Les procès de l’art, petite histoire de l’Art et grandes affaires de Droit, ed. Palette, 2013, 351 p.
Grand Carteret (John), Les mœurs et la caricature en France, Librairie Illustrée, 1888, in 4° broché, XII-690 p. ;
Leber C., De l’état réel de la presse et des pamphlets depuis François I jusqu’à Louis XIV, Techener Libraire, 1834, 115 p.
Ory (Pascal) & autres, la caricature….et si c’était sérieux ?, Editions Nouveau Monde, 2015, 120 p.
Wright (Thomas), Histoire de la caricature et du grotesque dans la littérature et dans les arts, 2e ed., 1875, 457 p.
[1] Fougerol (Henri), La Figure humaine et le Droit, Paris, Rousseau, 1913,p. 137 et 146 ; pour un avis similaire à un siècle de distance : Martens Paul, op.cit., p. 9
[2] Mouffe Bernard, le droit à l’humour, ed. Larcier, 2011, p. 84 et s. et p. 199 et 548 sur la notion de faute lourde ou intentionnelle. Sur la notion de caricature : p. 358 ; Sur la conciliation du droit à la liberté d’expression artistique et le droit sur l’image : Trib. Civ. Seine, 16 juin 1858, D.P 1858, III, p. 62 (aff. Rachel) : « nul ne peut, sans le consentement formel de la famille, reproduire et livrer à la publicité les traits d’une personne sur son lit de mort, quelle qu’ait été la célébrité de cette personne », ce d’autant plus si le portrait est établi à partir d’un cliché volé à la famille… La notion de faute dans la conciliation des droits contraires est donc essentielle au débat. TGI Paris, 17e ch., 2 juin 2004, Bensalah c. Delahaye, Legipresse n° 213, juill. 2004, note Christophe Bigot : à propos de la reproduction de traits d’anonyme dans le métro par le photographe Jean Luc Delahaye, ouvrage « L’autre », co signé avec le sociologue Jean Baudrillard, Editions Phaidon Press Ltd ; Delavaux Céline, Vignes Marie Hélène, Les procès de l’art, petite histoire de l’Art et grandes affaires de Droit, ed. Palette, p.302-319
[3] Mouffe, op. cit., p. 18
[4] Prevost-Paradol (Lucien Anatole), la France Nouvelle, Michel Levy Frères, 1868, p. 218 ; pour un avis similaire : Leber C.,de l’état réel de la presse et des pamphlets depuis François I jusqu’à Louis XIV, Techener Libraire, 1834, p. 42 : « le Français, vif, passionné, mobile, excessif dans ses sentiments comme dans toutes ses actions, n’est pas un peuple dont on puisse juger l’état par ses lois »
[5] Martens Paul, préface à Mouffe Bernard, le droit à l’humour, ed. Larcier, 2011, p. 9
[6] Ory Pascal, la caricature….et si c’était sérieux ?, Ed. Nouveau Monde, 2015, p. 15
[7] Schuermans, Code de la presse ou Commentaire du décret du 20 juillet 1831 et des lois complétives de ce décret, 2 volumes, Bruxelles, Ferdinand Larcier, 2e ed., 1881-1882,, T.1, p. 308
[8] Schuermans, op. cit., T. 1, p. 493 : ce à quoi l’auteur réplique : « la gravure, si elle est répréhensible, s’adresse, tout comme l’imprimé, à l’intelligence, à la volonté, au sentiment, ces trois facultés de l’âme humaine »
[9] Fougerol, op. cit., p. 226
[10] Auvret Patrick, les journalistes statut-responsabilité, Delmas, 1994, p. 192, N8
[11] Delavaux Céline, Vignes Marie Hélène, Les procès de l’art, petite histoire de l’Art et grandes affaires de Droit, ed. Palette, p. 319
[12] crim., 21 déc. 1966, Bull., n° 66-91510
[13] Barbier, op. cit, p. 297 et p. 300
[14] Coulon (Henri), de la liberté de la presse, Paris, Marchal et Billard, 1895, p.5
[15] Les premières applications, en comparution immédiate, puisqu’il s’agit désormais d’un délit de droit commun, illustrent d’ailleurs un manque certain de discernement et les regrets du ministère de la justice ne sont pas pour rassurer. Le syndicat de la magistrature a raison d’évoquer des « réactions hystérisées » : Libération, 4 mars 2015 ; Derieux Emmanuel, lutte contre le terrorisme et droit de la communication, Legipresse n° 322, déc. 2014
[16] Le 18 mars 2015, la 16e chambre du Tribunal correctionnel de Paris, et non la 17e, a condamné Dieudonné à deux mois de prison avec sursis pour apologie publique d’un acte de terrorisme commise au moyen d’un service de communication en ligne, ladite peine étant qualifiée par le Tribunal de « peine d’avertissement»
[17] Schuermans H., op. cit., T. 1, p. 175; même analyse de nos jours par Patrick Auvet: « ces modes de critiques sont légitimes dès lors que la personne mise en cause se livre à des activités publiques. En revanche, lorsqu’il s’agit d’un personnage qui ne recherche pas les faveurs du public../..une certaine réserve s’impose » : Ibid., p. 191
[18] CEDH, 22 févr. 2007, Nikowiz & Verlagsgruppe News Gmbh c. Autriche : à propos d’une satire concernant un skieur autrichien. Violation de l’article 10 à sanctionner l’humoriste ; CEDH, 20 oct. 2009, Alves Da Silva c. Portugal: “la satire est une forme d’expression artistique et de commentaire social qui, par l’exagération et la déformation de la réalité qui la caractérisent, visent naturellement à provoquer et à agiter” et en “tant qu’homme politique, (il devait) faire prévue d’une plus grande tolérance à l’égard de la critique, surtout dès lors que cette dernière avait lieu, en l’occurrence, sous forme de satire”
[19] CA Versailles, 1ere, 31 janv. 1991, Gaz. Pal., 1992, 2, p. 534, note Frémond : il s’agissait en l’espèce d’un photomontage d’un comédien célèbre
[20] CA Paris, 1ere ch. A, 18 févr. 1992, D. 1992, IR, p. 141 ; ibid : Paris, 11e ch., 12 mars 2008, Legipresse n° 252, juin 2008, III, note Henri Leclerc : à propos des caricatures de Mahomet dans Charlie Hebdo
[21] Crim., 24 oct. 1995, n° 93-85094 : pour relaxer Guy Bedos, la Cour d’appel avait retenu les critères traditionnels appliqués au genre : « la prudence, la rigueur, la mesure, l’objectivité qui caractérisent la bonne foi demeurent étrangères à la démarche de l’humoriste ou de l’artiste satirique, ceux-ci bénéficiant traditionnellement d’une large tolérance dans l’appréciation des critiques qu’ils peuvent faire des hommes politiques, que leurs seules limites, même si l’excès apparaît comme la loi du genre, sont les atteintes à la vie privée des personnes mises en cause, ou les entreprises de dénigrement menées à des fins personnelles ou partisanes »
[22] Crim., 4 nov. 1997, n° 96-84338 : à propos de la parodie faite par Patrick Sébastien de la chanson de Patrick Bruel intitulée initialement « casser la voix » qui devient « casser du noir » : la cour de cassation rejette le pourvoi et relève que les juges du fond« retiennent de l’analyse du contenu de l’émission, que, contrairement à ce que soutiennent les prévenus, rien n’a été fait pour que le téléspectateur ait une interprétation “au second degré” »
[23] Paris, 11e ch. A, 12 mars 2008, Legipresse n° 252, juin 2008, III, p. 107, note Henri Leclerc qui salue le rappel du principe de tolérance dans une société pluriethnique et multiconfessionnelle. Ce qui nous renvoie au propos de Martin Luther King, dans son discours du 31 mars 1968 : « Nous devons apprendre à vivre ensemble comme des frères, sinon nous allons mourir tous ensemble comme des idiots. » ; Bigot Christophe, Pratique du Droit de la presse, 2013, p. 206-207 : qui relève la différence de raisonnement entre le Tribunal et la cour pour aboutir à une même relaxe
[24] Ass. Plen., 16 févr. 2007, n° 06-81785, relativement à affaire Dieudonné : “ les juifs, c’est une secte, une escroquerie. C’est une des plus graves parce que c’est la première “, ne relève pas de la libre critique du fait religieux, participant d’un débat d’intérêt général mais constitue une injure visant un groupe de personnes en raison de son origine, dont la répression est une restriction nécessaire à la liberté d’expression dans une société démocratique »
[25] Crim., 20 oct. 2015, Aff. BDS (appel au boycott d’Israël) qui peut interroger sur les limites qu’apporte l’article 24 de la loi de 1881, Legipresse dec. 2015, note Emmanuel Derieux ; même observation en ce qui concerne la provocation au terrorisme : crim., 17 mars 2015, Zeyad Bagour :le contexte sécuritaire peut mener à assimiler la blague potache à une provocation au terrorisme, Legipresse n° 328, juin 2015.
[26] Art. 17 CESDH : « Aucune des dispositions de la présente Convention ne peut être interprétée comme impliquant pour un Etat, un groupement ou un individu, un droit quelconque de se livrer à une activité ou d’accomplir un acte visant à la destruction des droits ou libertés reconnus dans la présente Convention ou à des limitations plus amples de ces droits et libertés que celles prévues à ladite Convention »
[27] Martens Paul, préface à Mouffe Bernard, le droit à l’humour, ed. Larcier, 2011, p. 10
[28] Fougerol, op. cit., p. 208
[29] Schuermans, op. cit., T. 1, p. 177
[30] Bionne Emile, op. cit., p. 21 ; même argument lors de l’audience du 14 novembre 1868 du Tribunal correctionnel de la Seine dans l’affaire de la souscription Baudin : op. cit., p. 143